Essentiellement rural, le Laos est un pays pauvre qui a
peu bénéficié de ses richesses naturelles (bois, énergie hydraulique,
richesses minières), convoitées ou exploitées par de puissantes sociétés
internationales. Ce pays est faiblement peuplé et n'utilise que 7% des surfaces
cultivables. Le riz occupe les 2/3 des terres cultivées, ce qui ne suffit pas
à nourrir la population (une famille consomme en moyenne 2,5 tonnes de riz par
an). Le poisson, essentiel dans l'alimentation laotienne, provient en partie de
Thaïlande. Les petits producteurs sont généralement pauvres et génèrent peu
de plus-value et d'épargne pour développer leurs activités. Les entreprises
sont familiales à 90%. L'Etat laotien a d'ailleurs favorisé des activités économiques
secondaires dites "familiales", telles que l'élevage ou l'artisanat,
qui apportent un revenu complémentaire aux familles et leur permet de sortir
d'une économie de survie.
LA REGION DE KASI
Zone de montagne située au Nord du pays, à 250 km de Vientiane, Kasi est une région
où vivent des populations agricoles traditionnelles, décidées à s'organiser
pour ne pas seulement survivre. Les ressources existent, il n'est pas besoin,
par exemple, de cultiver les fruits qui poussent à l'état naturel. C'est leur
mise en valeur, l'organisation de circuits de commercialisation, l'accès aux
technologies et aux crédits, qui font défaut. Kasi est une région où il n'y
a ni électricité, ni eau courante. Elle devient aux yeux de l'Association de
Soutien au Développement des Sociétés Paysannes une région prioritaire de développement.
1/ Historique
Sengdao Vangkeosay est un Laotien qui à fait ses études d'agronomie en France
et qui, de retour dans son pays, s'est impliqué dans des projets de développement
pour le Laos. C'est lui qui a été à l'origine du projet "Kasi" pour
le développement intégré des sociétés paysannes, mené de 1991 à 1995. En
effet, constatant que les fruits sauvages de la région tombaient et
pourrissaient dans l'indifférence des villageois, il lui est venu l'idée de créer
une coopérative pour valoriser à la fois les potentialités du milieu naturel
et le savoir-faire des paysans. En dépit des difficultés administratives et
bureaucratiques du régime communiste, Sengdao réussit donc à fonder
l'Association de Soutien au Développement des Sociétés Paysannes (ASDSP). Le
démarrage a pu se faire grâce à des fonds venus de l'étranger -
principalement d'ONG françaises (CCFD, Cimade) - ce qui était une première au
Laos. L'association est animée par une connaissance précise des besoins de la
population rurale. Ses objectifs sont d'améliorer les conditions de vie des
paysans, de protéger l'environnement, d'être présent dans les domaines de l'éducation
et de la santé. ASDSP est aujourd'hui enregistrée en France.
ORIGINE
En 1994, ASDSP commence à Kasi la production d'huile extraite d'arachide. Ce
qu'il reste de l'arachide pressée est le tourteau. Les essais de cette
production ne furent pas satisfaisants. L'huile produite pouvait être conservée
mais le coût de production était trop élevée. Son prix de vente n'était pas
compétitif avec l'huile de palme importée de Malaisie. De plus le matériel de
«presse, filtre et neutralisation» ne permettait pas d'extraire complètement
l'huile, rendant le tourteau invendable.
ASDSP abandonne alors la production d'huile d'arachide et de tourteau et se
lance dans la fabrication de confitures de tamarins, lesquels poussent en
abondance dans les forêts de Kasi. Les premières confitures ne se vendent pas.
Après avoir amélioré la production, ASDSP trouve quelques clients locaux dans
la capitale. La réussite progressive des confitures (tamarin, ananas,
pamplemousse) va entraîner la production de jus et le développement d'une
gamme alimentaire.
LES PRINCIPALES STRUCTURES
1/ Coopérative Agricole des paysans de Kasi
ASDSP apporte son aide et ses conseils à la Coopérative Agricole des paysans
de Kasi (1ère coopérative non gouvernementale du Laos) qui organise la
collecte et la première transformation des fruits. Cette coopérative regroupe
les producteurs qui transforment notamment le tamarin, l'ananas, les
pamplemousses, la canne à sucre. Le personnel de ASDSP ne doit pas être présent
à Kasi plus d'une quinzaine de jours tous les 2 mois, ceci pour laisser les
paysans locaux s'organiser par eux-mêmes. Les petits producteurs sont très
actifs et participent aux prises de décisions.
2/ Lao Farmers' Products à Vientiane
ASDSP a constitué en 1995 l'entreprise Lao Farmers' Products la dotant d'une
infrastructure minimum pour les normes d'hygiène et de fabrication. Elle a pu
être financée grâce à des fonds d'expatriés Lao, lesquels ont permis
l'achat de matériel et la constitution de stocks.
Lao Farmers' Products possède donc un laboratoire pour contrôler la qualité
des produits afin qu'ils répondent aux normes d'hygiène et de fabrication exigées
par une production destinée à l'exportation. La société travaille en étroite
collaboration avec le service de contrôle d'hygiène du ministère de la santé
qui fournit un certificat donnant l'autorisation de vente ou d'exportation pour
chaque article.
2 cadres ont été formés dans les domaines de la transformation et de la
conservation alimentaires au Lycée Technique et Agricole de Pontivy en France.
4 cadres ont été recrutés pour s'occuper de la production à Kasi et de
l'usine de Vientiane.
Au moins une fois par an, 2 professeurs en génie alimentaire français viennent
au Laos pour donner des conseils et former les cadres de l'usine.
Lao Farmers' Products s'occupe également de la commercialisation des produits :
de l'exportation (en Europe et dans les pays limitrophes au Laos) et du développement
du marché intérieur.
3/ Coopérative de Crédit de Soutien aux petites unités de Production (CCSP)
ASDSP donne naissance en 1996 à la première institution privée de crédit de
type coopératif : la Coopérative de Crédits de Soutien aux petites unités de
Production (CCSP), qui permet aux paysans d'emprunter un petit capital. La création
de cette coopérative de crédits répond au manque d'instruments financiers
pour les «petits» à qui les banques refusent des prêts. Les emprunteurs
doivent se constituer en «groupes solidaires», 70% d'entre eux sont des femmes
(on sait que l'argent prêté aux femmes ira réellement dans des projets de
production). Les petits producteurs peuvent ainsi être autonomes et maîtres de
leur développement. Avec les prêts ils créent des groupes de fruits, des
groupes de pisciculture... ASDSP, la Coopérative agricole et Lao Farmers'
Products sont membres du CCSP. Les paysans coopérateurs participent aux décisions.
Le CCSP est financé par la SIDI, société française d'investissement
solidaire et soutenu par le CCFD.
DEVELOPPEMENT DE LA PISCULTURE
Mise en place par un «groupe solidaire», la pisciculture se fait au creux de
l'étang. Elle permet d'élever des tilapias et d'autres sortes de poissons. La
croissance des poissons est très rapide et l'activité est rentable. Les
poissons sont vendus chaque semaine sur un marché à 20 km de la capitale. On
compte environ 300 clients, essentiellement des urbains. Cette cible est
importante. La création de ce marché a entraîné d'autres pisciculteurs à
venir y vendre leurs poissons.
REALISATIONS DE ASDSP
ASDSP est aussi à l'origine d'un grand nombre de réalisations dans des
secteurs divers :
- construction de barrages d'irrigation pour améliorer l'irrigation et la
qualité des récoltes
- participation à l'amélioration de l'élevage (bétail, poulets...)
- participation à l'éducation, notamment des jeunes filles obligées de
quitter l'école
- soins à la population, en collaboration avec les hôpitaux locaux
- aide aussi les paysans dans leurs démarches administratives
L'ACTIVITE DE PRODUCTION
1/ Les matières premières
La plupart des fruits utilisés dans la production poussent de façon naturelle
dans les villages. Ces fruits sont délaissés par la population qui consomme, généralement,
des hybrides de Thaïlande.
La récolte est faite par des paysans qui sont rémunérés au poids. C'est une
source de revenu d'appoint.
La valorisation des fruits, et en particulier des arbres fruitiers, permet également
de résister à un phénomène de déforestation encouragé par les voisins thaïlandais
qui trouvent sur le sol laotien le bois qu'ils n'ont plus chez eux.
Avec le développement de la production, ASDSP est aujourd'hui en contact avec
des petites plantations extérieures à Kasi et peut, auprès d'elles,
s'approvisionner en ananas, pamplemousse, canne à sucre, fruits de la passion,
d'arachide, de maïs, de gingembre, banane, café, thé...
QUELQUES PROCESSUS DE TRANSFORMATION
1/ Les confitures
L'unité de Kasi transforme les fruits frais, venant directement de la
cueillette, en confiture. Elle s'occupe de l'épluchage, du découpage des
ananas, de leur cuisson et de la transformation en mélasse (fruit + sucre +
cuisson). La cuisson se fait dans des chaudrons alimentés au gaz ou au feu de
bois. La transformation est effectuée immédiatement après la récolte pour
assurer la meilleure qualité possible. Les fruits ainsi transformés et mis en
sacs de 15 kg sont envoyés à Lao Farmers' Products à Vientiane.
Certaines opérations peuvent se faire par les femmes, à domicile, d'autres nécessitent
d'être présent dans la petite usine, où se trouve la seule centrifugeuse du
Laos, cadeau du lycée agricole de Pontivy (France).
2/ Les jus et boissons
Les fruits récoltés sont pressés puis stérilisés en autoclave.
3/ Qualité
La société Lao Farmers' Products à Vientiane assure la «finition» des
produits suivant les normes européennes. Une vingtaine de personnes travaillent
dans les ateliers
- elles ajoutent la pectine, mesurent l'acidité, stérilisent en autoclave et
mettent en pot. Les confitures sont conditionnées manuellement dans des bocaux
en verre.
Ces derniers proviennent de collecte locale de verres usagés et de l'achat de
bocaux d'occasion à un fournisseur thaïlandais. Ainsi après la mise en pot,
une deuxième stérilisation est effectuée en autoclave
Les jeunes filles reçoivent un salaire équivalent à 2 fois le smic laotien
(60 000 kips). L'activité de recyclage a permis de créer 10 emplois.
4/ Sélection de riz du Laos
Sélection de Riz se compose de 3 variétés traditionnelles : riz blanc parfumé,
riz gluant et riz violet.
Au coeur de ce projet, se trouve la réalisation de micro-barrages en vue
d'irriguer de petites surfaces dans les bas fonds afin de favoriser la culture sédentaire
du riz (l'usage courant est la culture sur brûlis qui n'assure pas
l'autosuffisance). Ces barrages sont réalisés avec des cailloux (gabions)
retenus par des grillages.
L'irrigation permet de réaliser 2 voire 3 récoltes annuelles au lieu d'une. Le
surplus de production leur permet de tirer un revenu monétaire. La
commercialisation de Sélection de riz du Laos permet la construction d'autres
barrages.
12 districts ont adopté les barrages en gabion comme technique d'irrigation.
5/ Thé Vert
Dans les années 1920, du thé fut planté à partir des théiers de forêt dans
une station expérimentale de la province de Xiengkkouang (Nord Est Laos) par un
agronome français. En 1931, sous la pression des puissantes compagnies
anglo-hollandaises, l'adminis-tration coloniale indochinoise française arrêta
toute recherche de plantation de thé au Laos. L'agronome français transféra
les pépinières vers la station expérimentale sur le plateau des Bolovènes à
Pakse (Sud du Laos). En 1999, la station expérimentale est toujours entretenue
par des centaines de familles. Ce sont de petites plantations familiales sur
lesquelles poussent également les caféiers. Ces théiers sont menacés de
disparition au profit de l'extension de la variété hybride «Catimor», promue
par des experts internationaux et le gouvernement. La commercialisation de ce thé
en France par Solidar'Monde a provoqué un regain d'intérêt dans l'entretien
des théiers et même une petite extension.
ARTISANAT
En plus de l'alimentaire, ASDSP s'intéresse aussi à la production artisanale.
L'association a établi des contacts avec des groupes de femmes réalisant du
tissage sur métier manuel et un groupe produisant des cadres-photos en bambou.
VENTES ET DEBOUCHES
La commercialisation, effective depuis 1995, est réalisée par Lao Farmer's
Products. Le marché local étant trop restreint, il a fallu dès le départ
viser l'exportation. Le Laos ne compte que 5 millions d'habitants dont 15%
d'urbains. Seulement une partie de ces urbains a le pouvoir d'achat nécessaire
pour se procurer les produits d'ASDSP. Cependant, elle estime que la meilleure
qualité ne peut être qu'étrangère. Depuis fin 97, Lao Farmers' Products vend
localement, sur les "mini-markets" qui se multiplient à Vientiane.
90% des articles commercialisés sont d'origine étrangère. Elle adapte
toutefois ses produits (les boissons ne contiennent que 30% de jus pur pour 70%
d'eau) ainsi que ses prix. Le seul fait d'exporter lui permet de valoriser ses
produits sur le marché intérieur.
ASDSP cherche des débouchés dans les hôtels touristiques du pays.
Le marché extérieur reste la plus grande source de revenus. Les coûts de
transport sont cependant élevés. La vente des produits auprès de
Solidar'Monde a permis des débouchés auprès d'autres organisations de
commerce équitable en Europe.
PRODUITS
La gamme alimentaire se compose de jus, confitures, bananes séchées, riz, thé
vert, pâtes de fruits et bière (à base de sève de fleur de palmier). De
nouveaux produits sont à l'étude. En artisanat, ASDSP propose des écharpes et
cadres-photos.